Il est certain que les principales critiques de la fiche comme système vain d’accumulation des données reposent en grande partie sur une vision sceptique du savoir pour le savoir. Cette opération de mise en boîte ne finit par produire que des gloses, des commentaires ou des citations qui finalement viennent embrouiller le développement du véritable travail de réflexion et de critique à la base de tout exercice sérieux de recherche. Une évolution que Lucien Febvre
Il est des historiens qui commencent à s’éveiller à une conception nouvelle de leur travail. Une génération ou deux : le vieux monsieur dans son fauteuil, derrière ses fichiers strictement réservés à son usage personnel et aussi jalousement gardés contre les convoitises rivales qu’un portefeuille dans un coffre-fort – le vieux monsieur d’Anatole France et de tant d’autres aura terminé sa vie falote. Il aura fait place au chef d’équipe, alerte et mobile, qui, nourri d’une forte culture, ayant été dressé à chercher dans l’histoire des éléments de solution pour les grands problèmes que la vie, chaque jour, pose aux sociétés et aux civilisations, saura tracer les cadres d’une enquête, poser correctement les questions, indiquer précisément les sources d’information et, ceci fait, évaluer la dépense, régler la rotation des appareils, fixer le nombre des équipiers et lancer son monde à la quête de l’inconnu.1
Peut-on raisonnablement parler à partir des années 1950 de la « fin » du fichier, de cette pratique qui s’est largement et transversalement diffusée depuis la fin du XVIIe siècle au point d’être considérée comme une excroissance matérielle et mémorielle de l’esprit et parfois du corps même du savant ? Ne s’agit-il pas plutôt d’un nouvel épisode de cette histoire, déjà longue, de la fiche savante dans lequel, cette fois-ci, le système s’adapte à une profonde recomposition du jeu des frontières disciplinaires avec, entre autres, la création de nouvelles institutions de recherche comme le CNRS (dans sa première version en 1939), mais aussi l’arrivée d’une nouvelle génération de chercheurs ouverts à des « méthodes » nouvelles, au travail collectif et à l’interdisciplinarité2. Si ce moment des années 1950 nous importe plus particulièrement ici, c’est qu’il voit se transformer profondément la technique de la mécanographie. Les trieuses, perforatrices et autres systèmes machiniques, élaborés par Herman Hollerith
Cette question est clairement posée lors du Salon de l’équipement international de bureau de 19604. En classant plus de 2 000 fiches de 80 colonnes à la minute, la trieuse IBM 084 semble parfaitement remplir ce rôle. Des fiches qui sont toujours dans un format « de poche ». Cependant, et comme pour l’adoption, difficile, du format international des fiches catalographiques à la fin du XIXe siècle, l’idée des 80 colonnes fait l’objet d’âpres discussions. L’historien François Furet

Source : Collections Universcience, 2016.
En 1964, à la foire de printemps de Leipzig, Joannès Bernelin
Il n’est alors pas rare de trouver sous la plume de savants que le système de la fiche, du moins avec ses dernières innovations, pourrait résoudre le problème de l’hétérogénéité des méthodes en sciences humaines et sociales. Jean Viet
Ne trouvant place ni sur le terrain, ni en laboratoire, l’ordinateur assure le contact avec le réel par la masse des informations qu’il traite et, tout à la fois, il permet d’actionner et de contrôler les variables constituant le modèle construit après ce même réel.9
Un sentiment largement partagé. C’est le cas de l’historien Michel Perronet
La fiche biographique, dont nous venons de présenter un modèle susceptible de rectification et d’amélioration, permet de remédier aux défauts signalés dans la littérature biographique ; elle est strictement programmée ; le chercheur sait donc ce qu’il peut y trouver, aussi bien que ce qu’il ne peut pas y trouver.10
Les sociologues Roland Devauges
un seul type de fiches pour tous les renseignements archéologiques ou historiques, matériels ou non, isolés de leur contenu ou en place, anciens ou actuels.12
Mais encore une fois, ce système nécessite de penser suffisamment en amont les différentes perforations de la carte, et donc les branchements possibles. Coder l’information reste un problème, en particulier pour les disciplines comme la sociologie ou l’ethnologie qui s’interrogent sur des vies d’individus, pris isolément ou en groupe. Des vies ponctuées d’événements qu’il est difficile de résoudre en une perforation, qu’elle soit ronde ou ovale. D’ailleurs, lorsque l’ethnographie se saisira des nouvelles potentialités de la mécanographie, ce sera d’abord pour repenser les réseaux de parenté que Claude Lévi-Strauss
Avec ce système de perforation marginale qui permet un triage rapide, par aiguille, les fiches ne sont plus seulement des instruments de gestion de l’information mais de véritables instruments scientifiques dont le but est de proposer une nouvelle intelligence du monde en croisant différents types d’informations. C’est sans doute André Leroi-Gourhan

Source : Photo © Philippe Soulier / archives Leroi-Gourhan.

Source : Photo © Philippe Soulier / archives Leroi-Gourhan

Source : Photo © Philippe Soulier / archives Leroi-Gourhan.
Leroi-Gourhan
À chaque objet, indépendamment des documents divers ou notes que le collecteur pourra communiquer, devra être annexée une fiche descriptive, établie en deux exemplaires. On se servira pour cela d’un carnet dit manifold ou d’un bloc-notes ordinaire (nous recommandons comme format particulièrement commode 13 cm 5 x 19 cm 5) entre deux feuillets duquel on glisse, avant d’écrire au crayon, une feuille de papier carbone.21
Neuf points doivent toujours être indiqués sur ce type de fiche : lieu d’origine, dénomination et nom, description, notes complémentaires, renseignements ethniques, par qui et quand l’objet a été recueilli, conditions d’envoi au musée, références iconographiques, bibliographie. L’idée défendue par la mission est aussi collective. Dès lors, chaque collaborateur doit rédiger ses fiches sur des feuillets quadrillés de 192 x 134 mm, tirés d’un carnet manifold où seul le recto est utilisé. Cette homogénéité dans le format et dans les informations recueillies doit permettre de verser les fiches dans un fichier commun et entièrement partageable.
Le succès de ces fiches descriptives est tel que le système sera rapidement adopté, y compris par des ethnologues autodidactes. C’est le cas du collectionneur et folkloriste Georges Amoudruz

Source : Musée d’ethnographie de Genève, département Europe.
Dans son Guide d’étude directe des comportements culturels, Marcel Maget
Encore au milieu des années 1970, dans ce qui reste sans doute l’un des ouvrages les plus singuliers d’apprentissage de la méthode ethnographique, Robert Cresswel
– toute normalisation purement technique est dans l’intérêt de la science,
– ce modèle de fiche évitera des démarches inutiles au chercheur – et au lecteur éventuel,
– les notations permettent un contrôle des sources par le lecteur.23
À cela, s’ajoutent des avantages en termes de capacité, de malléabilité, de souplesse d’utilisation, mais aussi de coûts financiers, de durée ou de qualification du personnel d’exécution. Ce n’est donc pas étonnant que Claude Lévi-Strauss
Claude Lévi-Strauss et l’usage des Human Relations Area Files↑
Dans sa récente biographie, Emmanuelle Loyer
il fallait […] résumer mais sans perdre d’informations. J’ai dû apprendre cette gymnastique : c’est un exercice intellectuel d’une grande difficulté, mais qui rend service, car c’est au bout d’un tel travail qu’on réussit à distinguer ce qui est essentiel de ce qui ne l’est pas. Les parties du livre qui semblent relever de la compilation m’ont demandé un travail plus soutenu que celles où je parle en mon nom propre.24
Deux ans auparavant, devant le journaliste suisse Henri Stierlin
C’est un instrument qu’il faut un peu concevoir à l’image de ce que peuvent être pour les sciences exactes et naturelles un microscope électronique ou un télescope. C’est-à-dire que c’est un moyen d’obtenir des informations qu’il serait extrêmement difficile ou impossible d’obtenir autrement. Dans tous ces fichiers se trouvent groupées à peu près 2,3 millions de fiches qui sont, en fait, des pages de livres et d’articles qui ont été reproduites photographiquement. Et qui couvrent un échantillon d’environ 300 populations du monde, et là-dedans il y a la matière de quelque 3 000 ou 4 000 livres ou articles. Si bien qu’il s’agit d’une bibliothèque, d’une bibliothèque de taille moyenne mais qui se trouve organisée d’une façon différente que ne l’est une bibliothèque ordinaire puisque chaque page se trouve codée par des symboles, chaque page et même chaque paragraphe et parfois chaque ligne, par des symboles qui se trouvent dans la marge et qui correspondent à différents aspects, soit géographiques, soit systématiques25. Je ne dirai pas que le travail sur le fichier remplace l’imagination, l’invention ou le travail personnel, mais peut considérablement simplifier le travail préliminaire de documentation que tout chercheur doit faire. Si bien que quelqu’un qui se propose d’écrire un ouvrage – et, en général, ce sont des thèses de doctorat qui viennent se préparer ici – peut faire en quelques jours ou quelques semaines et parfois aussi en quelques heures ce travail de début qui normalement demanderait cinq ou six mois.

Source : © Jean-Pierre Martin, Collège de France.
C’est en 1960 que le Centre documentaire d’ethnologie comparée a été créé au sein du Laboratoire d’anthropologie sociale (LAS) pour exploiter ce fichier-bibliothèque des Human Relations Area Files (HRAF) qui a pour fonction de ficher, classer et grouper un échantillon de plusieurs centaines de sociétés humaines réparties entre Europe, Afrique, Moyen-Orient, Asie, Amérique du Sud, Amérique du Nord, Océanie et Union soviétique26. Un fichier qui, selon ses promoteurs, devait servir à l’« organisation de l’information d’aujourd’hui pour répondre à des questions de demain »27 :
Plus de 6 000 sources (livres, articles ou littérature grise, toutes traduites en anglais) y sont analysées ligne à ligne ce qui représente plus d’un million de pages de textes et plusieurs millions de fiches.28
C’est l’ensemble du jeune LAS qui s’est construit autour de ces casiers volumineux (380 fichiers métalliques d’un poids de 7,5 tonnes et de 18 m3) mais aussi des autres appareils qui, petit à petit, sont venus compléter le trousseau de l’ethnologue structural comme les calculateurs, les photocopieurs, les lecteurs de microfilms29. Cet environnement propice à la recherche comparée a permis de soutenir une érudition systématique et, en retour, de légitimer l’existence même de ce laboratoire qui accueillit rapidement plusieurs chercheurs d’importance, dont Raymond Aron
Comme le montre cette fiche sur l’un des fondateurs de l’anthropologie moderne, Lewis Henry Morgan

Source : © Laboratoire d'anthropologie sociale (LAS), Collège de France.
Malgré la précision et la justesse de cet instrument que louera régulièrement Lévi-Strauss
L’imagination sociologique de Charles Wright Mills↑
Comme pour Lévi-Strauss
Pour Mills qui cherche à remettre autant en cause le jargon de la « suprême-théorie » (celle de Talcott Parsons
Recherche effrénée de sens, art proche de la divination33, c’est finalement toute l’activité sociologique qui se résume à cette pratique de classement par fiches. Mills n’est d’ailleurs pas le seul sociologue à insister sur ce geste de l’enregistrement des données. Pour la France, Georges Granai
Penser à des idées nouvelles. Le système de Niklas Luhmann↑
Interrogé en 1985 sur sa pratique du fichier, le sociologue allemand Niklas Luhmann
Nous retrouvons avec ces trois exemples plusieurs traits propres aux ficheurs du xixe siècle. Le savoir semble encore et toujours se résoudre à une somme d’efforts. Il peut se mesurer, se quantifier, s’objectiver (ici par le nombre de fiches produites). Il organise un espace (dans le cas du LAS), se transmet, et a été parfois l’objet d’un travail collectif. Dans tous les cas, il demande du courage, de l’abnégation, de nombreux sacrifices comme ceux de Mills
La révolution « digitale » et les fiches↑
Les nouvelles technologies du numérique ont, elles aussi, profondément modifié les modes opératoires de la recherche, par exemple en réduisant drastiquement le temps de fouille méticuleuse pour trouver des sources, se les approprier, et les commenter. L’entrée tonitruante de la loi du grand nombre et du quantitatif et, au contraire, l’effacement du singulier et du détail représentent des changements que Michel de Certeau
grâce à l’informatique, il devient capable de maîtriser le nombre, de construire des régularités et de déterminer des périodicités d’après des courbes de corrélation […]38
Ces nouvelles potentialités ont d'ailleurs été accueillies souvent avec circonspection par certains ficheurs renommés.
À la question pourquoi n’avez-vous pas confié à un ordinateur le traitement de votre fichier mécanographique ?, Leroi-Gourhan
on n’utilise pas les marteaux-pilons pour écraser les noisettes. Les grottes sont une centaine, les peintures ou gravures des grottes sont quelques milliers, et un dispositif aussi simple que celui que j’ai utilisé permet de mobiliser la totalité du matériel dans des conditions qui restent tout de même des conditions humaines.39
Une réticence devant l’emploi de certaines machines à classer en grand nombre que l’on retrouve également chez Duby
quelqu’un qui sort de la bibliothèque avec une liasse de photocopies a, la plupart du temps, la certitude qu’il ne pourra pas tout lire, qu’il finira même par s’y perdre parce que tout est mélangé, mais il a la sensation de s’être emparé du contenu de ces livres. Avant la xérocivilisation, ce même individu se faisait de longues fiches à la main dans ces immenses salles de consultation et il lui en restait quelque chose.42
Il est certain que la recherche à l’heure actuelle ne se pratique plus comme il y a encore de cela une vingtaine d’années. Il faudrait d’ailleurs relever les changements parfois radicaux des modes opératoires des chercheurs, y compris pour comprendre la place laissée désormais à la « pensée » par fiches. Car elle continue encore d’avoir un rôle de premier plan dans plusieurs entreprises de réflexion. On continue à supposer qu’une telle technique soulage le chercheur dans sa capacité à se souvenir d’informations de plus en plus nombreuses. De même, elle continue d'être utilisée comme un moyen facile de se concentrer pour éviter la dispersion et donc la diminution de l’activité intellectuelle43. Les logiques propres au mécanisme du fichier, comme la planification, la mise en ordre, ou le classement, sont encore revendiquées comme les preuves d’une réflexion scientifique aboutie. On continue de craindre la surabondance des informations, l’ensevelissement ou la noyade à la Fulgence Tapir. Un problème devenu à nouveau central dans nos sociétés de communication qui apprennent à vivre avec le « big data ».
Nombreux sont d’ailleurs les logiciels qui « imitent » la mécanique du fichier, tout en le rendant plus riche et performant. Depuis 2005, Zotero a largement modifié le rapport des chercheurs aux textes, leur permettant de retrouver, stocker, ou diffuser des informations en grande quantité, mais aussi d’élargir des dossiers déjà constitués directement sur le Web. D’autres logiciels ont pour fonction d’importer facilement des références collectées, d’agréger du contenu, d’insérer des captures d’écran qu’il devient possible de lier à une référence. Tous, en tout cas, autorisent de renommer continuellement les fichiers, d’ajouter des notes indépendantes à un élément, de trier par titres, par noms, par dates, de gérer les doublons en les supprimant, de classer par mots-clés… Certains facilitent les connexions, les mises en relation comme EndNote, RefWorks, BibTex ou Mendeley… Sans compter ceux qui sont plus particulièrement spécialisés dans la gestion des formats, dans la bibliographie, ou dans la veille documentaire…
Mais finalement, comme avec la mise en place de l’armoire érudite de Placcius au XVIIe siècle, la révolution digitale n’a fait que relancer le travail par fiches. Comme pour le mobilier du XIXe siècle, il faut aujourd’hui compter sur certains « bidouillages » numériques et porter attention à la manière dont les chercheurs accumulent les matériaux et les informations sur lesquels ils fondent parfois l’ensemble de leur recherche44.
C’est le cas du sociologue Jörg Stolz


Source : © Jörg Stolz.
Ce travail de plus de vingt-cinq ans repose bien évidemment sur une discipline particulière. Les fiches sont créées durant la lecture d’un livre ou d’un article et sont ensuite réorganisées lorsque leur nombre, entre 100 et 200 par thèmes, le nécessite.
Il n’est parfois pas besoin de développer de formidables dispositifs de conservation et de triage pour lutter contre la dispersion des références, des sources ou des archives, et pour rendre possibles des recherches par dates, par zones géographiques ou encore par mots-clés. Un simple fichier Word suffit, comme le rappelle l’historien de la philosophie antique et sémiologue Pierre Vesperini

Source : © Pierre Vesperini.
Le passage à l’informatique n’a pas empêché d’autres chercheurs d’en rester à un fichier manuscrit et d’utiliser un support papier pour élaborer leur propre système. Le philosophe Luca Paltrinieri

Source : © Luca Paltrinieri.
L’historien des sciences Jérôme Lamy

Source : © Jérôme Lamy.
Après une énième re-lecture, Jérôme Lamy
Comme au XIXe siècle, ces ficheurs modernes louent la fiche pour sa mobilité, son adaptabilité, sa capacité à rendre une accumulation utile. Il leur paraît surtout bien difficile de penser sans elle, d’innover, d’avancer et de faire de la recherche sans l’avoir à proximité.
Lucien Febvre, « Vers une autre histoire », Revue de métaphysique et de morale, 1949, no 58, pp. 225-247, repris dans Combats pour l’histoire, Paris, Armand Colin, 1953, pp. 426-427.
De nouveaux vocables se créent aussi. On parle de « psychologie sociale », de « sociolinguistique », de « géographie humaine », d’« anthropologie sociale et culturelle ». Les rapports entre sciences sociales et sciences naturelles sont largement repensés. La biologie et la physiologie sont indispensables aux démographes. La botanique, la zoologie, ou encore la minéralogie, aux ethnologues.
Cette idée qui traverse l’après-guerre vient d’être largement exposée dans Judy L. Klein, Rebecca Lemov et al., Quand la raison faillit perdre l’esprit. La rationalité mise à l’épreuve de la guerre froide, Jean-François Caro (trad.), Bruxelles, Zones sensibles, 2015.
H. Laubignat, « Le XIe Salon de l’équipement international de bureau », La revue administrative, septembre-octobre 1960, 13e année, no 77, pp. 557-566.
Adeline Daumard, François Furet, « Méthodes de l’histoire sociale : les archives notariales et la mécanographie », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 1959, 14e année, no 4, p. 690.
André Jeannet, « Archéologie et informatique », Bulletin de la Société préhistorique française. Comptes rendus des séances mensuelles, 1970, t. 67, no 4, p. 125.
Joannès Bernelin, « Visite à la section “mécanographie” de la foire de printemps de Leipzig », La revue administrative, mars-avril 1964, 17e année, no 98, pp. 199-202.
Pierre Gousset, « Contre l’invasion documentaire, une seule arme : la mécanisation. Les nouvelles techniques rénoveront-elles aussi le travail de juriste ? L’âge du papier », La revue administrative, juillet-aout 1955, 8e année, no 46, p. 455.
Jean Viet, Les sciences de l’homme en France. Tendances et organisation de la recherche, Paris ; La Haye, Mouton et Cie, 1966, p. 162.
Michel Peronnet, « Pour un renouveau des études biographiques », in Actes du 91e congrès national des sociétés savantes, Rennes, 1966, p. 14.
Roland Devauges, Jacques Jenny, « Les fiches perforées “par caractéristique” et leur application aux enquêtes par questionnaire », Revue française de sociologie, octobre-décembre 1964, p. 416.
Raymond Chevallier, Max Guy, « Un avant-projet de carte archéologique systématique », Actes du 89e congrès national des sociétés savantes, Lyon, 1964, pp. 209-210. Dans Le calcul et la raison. Essais sur la formalisation du discours savant (Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 1991), Jean-Claude Gardin retrace la manière dont les écrits de l’archéologie ont été impactés, épistémologiquement, par l’introduction de la mécanographie, des trieuses et des calculateurs : « les méthodes dites de l’analyse des données étaient en plein essor, les programmes correspondants se multipliaient, et l’on ne compte bientôt plus le nombre des applications de cet ordre dans les sciences de l’homme. L’archéologie avait, dans ce concert, une voix forte en raison de son avance relative en la matière, comme aussi de son goût forcé pour les classifications […] » (p. 22).
Lévi-Strauss travailla avec plusieurs mathématiciens, dont Henri Cartan et André Weil avec qui, en appendice des Structures élémentaires de la parenté, il dégagea l’existence d’une structure de groupe qui rend compréhensible le partage des ménages permis et défendus. À relire la correspondance échangée entre l’anthropologue et ses parents, on apprend qu’il démarre ce travail durant l’année 1941 dans le but d’étudier : « les possibilités d’application de la logique mathématique […] à l’étude des systèmes primitifs de parenté » ; Claude Lévi-Strauss, « Chers tous deux ». Lettres à ses parents. 1931-1942, Paris, Seuil, 2015, p. 397.
Michèle Kourganoff, « Instruments d’enquête utilisés pour les études sur le terrain », Revue française de sociologie, 1965, 6-1, pp. 136-147. Notons qu’un exemple de ces fiches est donné p. 144 de l’article.
Ibid., p. 141.
« Mécanique ou électronique le principe du fichier à perforation reste le même : les données y sont converties par un code à deux termes, l’un négatif (perforation nulle), l’autre positif (perforation ouverte) et l’appareil de triage sépare les fiches suivant les questions posées pour ne livrer que celles dont la réponse est affirmative » ; André Leroi-Gourhan, Le geste et la parole II, Paris, Albin Michel, 1964, p. 74.
Id., Des bisons, des chevaux et des singes, 19 avril 1970, 51 min. La présentation du fichier de Leroi-Gourhan se situe entre la 11e et la 19e minute du documentaire qu’il est possible de voir sur le site de l’INA. [En ligne] < https://www.ina.fr/video/CPF86605025 >.
Id., Pages oubliées sur le Japon, Grenoble, Jérôme Millon, 2004, p. 19.
Ibid., p. 112.
Ibid., p. 121.
Musée d’ethnographie, Mission scientifique Dakar-Djibouti, Instructions sommaires pour les collecteurs d’objets ethnographiques, Paris, Palais du Trocadéro, 1931, p. 23. Marcel Griaule, dans un courrier à Marcel Mauss, indique que « toutes les fiches sont établies d’après vos principes » ; Cahier Dakar-Djibouti, Paris, Éditions les Cahiers, 2015, p. 170.
Marcel Maget, Guide d’étude directe des comportements culturels, Paris, CNRS, 1962. La partie sur les fiches est regroupée pp. 214-225.
Robert Cresswell, Maurice Godelier, Outils d’enquête et d’analyse anthropologiques, Paris, Maspero, 1976, pp. 24 sq.
Raymond Bellour, « Entretien avec Claude Lévi-Strauss », Le livre des autres, Paris, Union générale d’édition, 1978 (coll. 10/18), p. 33.
Il ajoute dans le même entretien disponible sur le site de la RTS. [En ligne] < http://www.rts.ch/archives/tv/culture/personnalites-suisses/3468945-claude-levi-strauss.html > : « Si bien qu’un chercheur désireux de vérifier, par exemple, s’il existe une corrélation positive ou négative dans le monde, entre deux, trois, ou quatre variables, disons un type de filiation et un certain mode d’exploitation du sol, peut, en relevant dans nos index les symboles correspondants, très rapidement sortir du fichier tous les cas positifs ou négatifs où la corrélation se trouve ou non exister. »
Fondés en 1949 à l’université de Yale suite à un premier travail de compilation engagé en 1937 par George Murdock, les Human Relations Area Files ont pour mission d’encourager et de faciliter les recherches comparatistes sur l’étude de l’homme, de la société et des comportements. Ces fiches ont pour fonction de tester l’existence de rapports de type « X cause Y ». C’est à partir de 1958 que la collection a été distribuée sur microfiches. Voir [en ligne] < http://hraf.yale.edu/about/history-and-development/ >.
« organizing today’s information so that you can answer tomorrow’s questions ». Cette antienne ne semble pourtant pas convenir à tout le monde. Comme le note Joseph Tobin, le projet des HRAF marque d’une certaine manière l’apothéose d’une approche béhavioriste positiviste, sans compter qu’il réduit les différentes cultures présentées à une approche bureaucratique ; Joseph Tobin, “The HRAF as radical text?”, Cultural Anthropology, 1990, 5 (4), pp. 473-487.
Marion Abélès, « Le fichier des Human Relations Area Files », La lettre du Collège de France, 2008, hors-série 2, pp. 66-67. [En ligne] < http://lettre-cdf.revues.org/239 >.
Emmanuelle Loyer, Lévi-Strauss, Paris, Flammarion, 2015, p. 494.
Jean-Claude Gardin, « Les Human Relations Area Files et la mécanographie dans la documentation ethnographique », Cahiers d’études africaines, 1960, vol. 1, no 3, p. 151.
Voir sur ce point David H. Price, Anthropological Intelligence. The Deployment and Neglect of American Anthropology in the Second World War, Durham, Duke University Press, 2008.
Charles Wright Mills, L’imagination sociologique, Paris, Maspero, 1967, pp. 206-210.
Voir ce que dit Georges Duby à ce sujet dans L’histoire continue, Paris, Odile Jacob, 1991, p. 68.
Georges Granai, « Techniques de l’enquête sociologique », in Georges Gurvitch (dir.), Traité de sociologie, Paris, PUF, 1958, p. 140.
Niklas Luhmann, « La boîte à fiches me prend plus de temps que l’écriture des livres », Droit et société, 1989, no 11-12, pp. 69-77.
François Denord, Bertrand Réau, « Une journée de travail de C. Wright Mills », La sociologie de Charles Wright Mills, Paris, La découverte, 2014, pp. 104-105.
Ibid.
Michel de Certeau, Histoire et psychanalyse entre science et fiction, Paris, Gallimard, 2002 (coll. Folio histoire), p. 65.
André Leroi-Gourhan, Des bisons, des chevaux et des singes, op. cit., 17 min 30 s.
Georges Duby, op. cit., p. 70.
« Je suis scribe. J’aime copier : je suis né à un moment où on ne dactylographiait guère et où l’on ne photocopiait pas. J’ai entendu parler de Xerox pour la première fois aux États-Unis en 1968 et 1969. Avant, il fallait transcrire soi-même ce qu’on voulait garder. J’ai copié des légendes, j’ai copié des chapitres de livres que je ne pouvais pas me procurer. C’était une des conditions du travail et j’aimais ça » ; Georges Dumézil, Entretiens avec Didier Eribon, Paris, Gallimard, 1987, pp. 83-84.
Umberto Eco, De bibliotheca, Caen, L’Échoppe, 1981, p. 27. On peut aussi ajouter sur les conséquences de l’introduction de la photocopie dans les pratiques savantes les critiques de Luciano Canfora dans Le copiste comme auteur, Toulouse, Anacharsis, 2012 : « Avec la photocopie, nous sommes hélas devenus de simples lecteurs potentiels : nous savons qu’à un moment quelconque, nous pourrons lire ce que nous avons reproduit par un éclair instantané » (pp. 28-29).
On peut citer plusieurs applications comme Ommwriter qui vous met face à une page blanche, ou encore Isolator qui vous oblige à vous focaliser en empêchant la fermeture de votre page et de votre ordinateur.
À la suite des travaux de Muriel Lefebvre, Anne-Claire Jolivet et Sophie Dalle-Nazébi, il faut prendre au sérieux ces documents « informels » de la recherche et questionner plus avant le rôle, les usages et la relation que certains chercheurs nouent avec leurs écritures ordinaires ; Muriel Lefebvre, Anne-Claire Jolivet et Sophie Dalle-Nazébi, « Les écritures ordinaires des chercheurs », in Jean-François Bert, Marc J. Ratcliff (dir.), Frontières d’archives. Recherches, mémoires, savoirs, Paris, Éditions des archives contemporaines, 2015, pp. 3-15.
C’est également le cas de Christian Jacob qui a constitué son fichier bibliographique à la fin des années 1970 et l’a depuis constamment actualisé en fonction des innovations techniques, des différentes conversions des revues en format numérique, mais aussi des différents logiciels de gestion de données bibliographiques comme HyperCard ou ProCite qui, rappelle-t-il, « ont marqué la fin de mon travail de bénédictin » ; Christian Jacob, Mondes lettrés : fragments d’un abécédaire, Villeurbanne, Presses de l’enssib, 2012, pp. 43 sq.
HyperCard est le premier logiciel grand public utilisant le concept de l’hypertexte. Les informations sont divisées en plusieurs unités (les cartes d’une pile dans HyperCard, ou encore les pages HTML sur Internet). L’utilisateur peut ainsi passer des unes aux autres grâce à des liaisons (programmées avec HyperTalk sous HyperCard, ou grâce encore aux liens sur Internet).